Nous sommes ravis de pouvoir conclure ce millésime 2018 de notre Mois du doc avec une dernière rencontre puisque la réalisatrice Mylène Sauloy sera parmi nous ce mardi 4 décembre à 20h pour vous présenter son documentaire : « Kurdistan, la guerre des filles. »
A noter que cette présentation se fait en étroite collaboration avec le Centre Culturel Albert Camus qui aura le plaisir de vous proposer le mardi 11 décembre à 20h30 : « La guerre des filles » , un spectacle de Carole Prieur qui a été inspiré par ce documentaire.
Pour en savoir plus nous vous proposons ci-dessous la critique de Télérama signée par Marie Cailletet:
« Nous ne combattons pas que pour les Kurdes mais aussi pour une Syrie démocratique. Notre but n’est pas de rester dans les tranchées avec des armes », assure Rosa. Tête ceinte d’un foulard chamarré, la commandante des YPJ, les Unités de défense féminines, a été de toutes les opérations contre Daech, luttant pied à pied pour reconquérir les zones occupées par les djihadistes. De l’autre côté de la frontière, au Kurdistan irakien, d’autres combattantes ont prêté main-forte aux yézidis de Sinjar, encerclés par l’organisation Etat islamique.
Une génération spontanée d’amazones new-look ? Loin s’en faut. Cette armée de femmes s’inscrit dans un mouvement de résistance, créé il y a près de quarante ans en Turquie autour de Sakiné Cansiz (1) . Cofondatrice du PKK avec Abdullah Ocalan, en 1978, elle défend une ligne subversive, y compris dans le parti, qui affirme que la libération du Kurdistan passera par l’émancipation des femmes. Et inspire la création de communautés de femmes et de camps d’entraînement au Qandil, dans le nord de l’Irak où nombre de militants PKK se sont repliés après l’arrestation d’Ocalan. Là, au-delà du maniement des armes, elles élaborent un projet de contre-société égalitaire, démocratique, multiconfessionnelle et multiethnique. Et c’est cet idéal qu’elles s’essaient, aujourd’hui, à inscrire dans le réel, des maquis d’Irak aux villes libérées de Syrie.
L’extrême valeur du documentaire engagé de Mylène Sauloy tient à sa volonté de dépasser les clichés diablement photogéniques distillés ces derniers mois sur les combattantes kurdes. De dévoiler l’ensemble du projet émancipateur. Nourri d’images contemporaines mais aussi d’archives surprenantes tournées lors de ses précédents reportages en 2003 et 2005, le film souffre peut-être d’un trop-plein, à embrasser tout à la fois l’hommage à Sakiné, la répression turque depuis 1935, l’histoire du PKK, celle du Mouvement des femmes libres, la situation actuelle en Syrie et en Irak… D’une construction quelquefois âpre à suivre, et sujet, dans quelques séquences, à un manque de distance critique, le film captive néanmoins tant il esquisse le projet d’une utopie, peut-être propre à changer le visage du Moyen-Orient.
(1) Assassinée avec deux autres militantes du PKK le 9 janvier 2013 à Paris, vraisemblablement sur ordre des services de renseignement turcs.